LES CHIENS ROUMAINS ET LA PEUR


Chiens des rues / lundi, janvier 31st, 2022
 
Les chiens roumains – les chiens des rues en général – sont différents des chiens de compagnie que nous avons l’habitude de côtoyer. Ils n’ont pas le même mode de vie et évoluent dans des environnements différents. Vivre avec un chien qui a vécu dans la rue, qui n’a jamais crée un lien d’attachement avec un humain et qui n’a jamais été restreint dans ses choix, donne parfois l’impression d’avoir adopté un animal sauvage.

Certains d’entre eux ont beaucoup de mal à s’adapter. La peur est la difficulté majeure et très certainement le facteur qui freine le plus leur adaptation. Elle pousse certains chiens à se cacher pendant des semaines, au grand désarroi de leurs adoptants, désemparés et impuissants. Sortir un animal de cette extrême passivité est compliqué et délicat.

Pour aider les chiens roumains les plus craintifs et comprendre les origines de leur peur, il est particulièrement important de connaître le contexte dans lequel ils ont vécu avant l’adoption et leurs précédentes expériences de vie. La peur peut avoir plusieurs causes chez les chiens roumains, dont voici les plus probables. Souvent, ces causes sont multiples et interagissent de manière complexe. Ce sont donc surtout des hypothèses, qui nous poussent à chercher à comprendre ces chiens, même si chaque cas est unique et qu’on peut difficilement généraliser.

 
L’écologie de la peur
 
Les chiens roumains ont fait face à de fortes persécutions ces dernières décennies ; ils ont été l’objet de campagnes d’extermination de masse et sont encore pourchassés par les ‘dog catchers’ dans certaines régions. En plus de ça, la rue est un environnement imprévisible, qui présente de nombreux dangers. La peur est nécessaire pour survivre dans un tel environnement ; elle permet de réagir rapidement et efficacement face aux menaces. Pour ceux qui ont vécu dans la rue, les réactions de fuite, d’évitement ou des réactions plus offensives face à certaines menaces sont normales. Elles ont certainement été répétées et renforcées par leurs expériences.


Chiens des rues
Chiens dans les rues d’un village de Roumanie, Photo Géraldine Merry
 

Expériences précoces / période de socialisation

Dans les premiers mois de leur vie, les stimulations sociales et non-sociales influencent fortement le développement émotionnel et comportemental des chiens. Sans contact avec des gens, ce qui est le cas de beaucoup de chiens des rues, ils risquent de developer une grande méfiance de l’humain.

Le succès de leur adaptation dépendra de plein de facteurs, incluant la variété d’expériences qu’ils auront vécu avant l’âge adulte. Ces apprentissages essentiels permettront à l’animal de bien s’adapter à de nouveaux environnements et à leurs challenges. Un chien qui aura été adéquatement stimulé, sera plus résilient. A contrario, un manque d’expérience peut contribuer au développement de peurs et à des difficultés d’adaptation.

Beaucoup de chiens roumains adoptés en France grandissent dans des fourrières ou des refuges, où leurs expériences de vie sont limitées. La routine est simple, ils ne sont pas régulièrement exposés à des changements environnementaux et ne côtoient pas beaucoup de gens. L’environnement familial est bien plus complexe et présente un grand nombre de challenges pour des chiens inexpérimentés.

Expériences traumatisantes

La maltraitance, la maladie, les accidents et les conflits avec des congénères peuvent marquer les chiens sur le long terme. Les expériences associées à un stress très intense s’ancrent profondément dans la mémoire, surtout à un jeune âge. On ne peut pas exclure la possibilité que certains chiens soient victimes d’un traumatisme causé par des expériences très difficiles. Par exemple, être soudainement extirpé de son environnement de vie, attrapé violemment par des humains et enfermé dans un petit espace sans aucune possibilité de fuir. Une expérience vécue par de nombreux chiens avant d’arriver en fourrière.

Enfermement, isolement social, manque de stimulation

Avant l’adoption, un certain nombre de chiens passent un temps plus ou moins long en fourrière. Ce sont des environnements extrêmement stressants, où les animaux sont souvent isolés socialement ou enfermés à plusieurs dans un petit enclos. Ils n’ont parfois même pas accès à l’extérieur. Ils sont généralement très peu stimulés; pas de jouets, pas d’interaction avec l’humain, pas de promenade, pas d’enrichissement.

En somme, des conditions de vie stressantes, qui peuvent fortement impacter le bien-être de l’animal qui n’a aucune possibilité d’assouvir ses besoins comportementaux. Plus ils passent de temps dans ce genre d’environnement, plus ils risquent de développer des troubles du comportement. Il est fort probable qu’ils perdent en capacité d’adaptation et en conséquence, une réadaptation à une vie plus riche/stimulante peut être difficile.


fourrière de Roumanie
Chiens apeurés dans une fourrière publique de Bucarest, Photo Géraldine Merry

Peut-on aider les chiens roumains craintifs à vaincre leurs peurs ?

Tous ces facteurs peuvent expliquer les comportements craintifs de certains de ces chiens. On peut supposer qu’il y a d’autres influences, comme les expériences in-utero et des problèmes de santé. Néanmoins, prendre en compte l’influence de ces expériences et les comprendre, nous permet de traiter ces problèmes plus adéquatement. Nous pouvons par exemple réfléchir à une intégration progressive à l’environnement familial. Idem pour la familiarisation à l’humain. On peut aménager notre environnement de manière à ce qu’il ne soit pas trop stimulant et imprévisible pour le chien. Il est vraiment important de comprendre que ‘trop’ le stimuler peut freiner son adaptation. Il y a plein de choses à mettre en place et un chien qui exprime des réactions de peur, même intenses, peut être aidé.
 
Le travail peut être long et difficile ; particulièrement, si on ne se fait pas aider par un professionnel compétent. Néanmoins, si on répond adéquatement à ces problèmes et qu’on fait preuve de patience, ces chiens peuvent s’apaiser, prendre confiance et s’ouvrir. J’ai vu de nombreux cas de chiens très peureux évoluer positivement. Même s’ils restent craintifs et qu’ils ne seront jamais à l’aise dans tous les contextes, on peut leur apporter une bonne qualité de vie, créer un lien avec eux et les aider à prendre confiance.


Géraldine Merry, comportementaliste, spécialiste des chiens des rues


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