COMMENT SAVOIR SI UNE SOURCE D’INFORMATION SUR LE CHIEN EST FIABLE ?


Actualités scientifiques, réflexions, idées / vendredi, août 12th, 2022

Beaucoup de gens cherchent des conseils sur internet pour travailler sur les problèmes qu’ils rencontrent avec leur chien. Que ce soit sur les réseaux sociaux, dans les dizaines de livres publiés chaque année ou les blogs, celui qui cherche des infos sur le comportement canin fera face à une immense quantité de sources.

Récemment, une cliente m’expliquait avoir voulu vérifier quelques passages d’un livre. Elle l’a acheté car on lui a présenté comme une référence sur le comportement canin. Elle n’a trouvé aucune étude scientifique sur les sujets en question et ne savait plus quoi penser des conseils donnés dans ce livre. Entre la quantité de sources disponibles et les informations contradictoires, il peut être difficile de s’y retrouver. Évaluer la fiabilité objective des sources d’information dans les disciplines scientifiques est primordiale et les approches utilisées par les scientifiques peuvent vous servir de guide. Voici quelques clés :

Vérifier le fondement scientifique

L’étude du comportement animal est une science, qui comprend plusieurs domaines scientifiques allant de l’éthologie à la biologie. Même si elle n’est pas l’unique source de savoir, la science conventionnelle obéit à une méthode rigoureuse. Tout, du design de l’étude à la publication des résultats, est soumis à des contrôles stricts permettant de limiter les erreurs. Cette méthode scientifique assure un niveau de fiabilité élevé et des connaissances testées, vérifiées et validées. Elle agit comme un garde-fou dans notre quête d’informations fiables et exactes.

En quoi les blogs, articles et livres sur le chien sont-ils concernés?

La science apporte un fondement au savoir qui est transmis et assure une certaine fiabilité objective dans un domaine où les connaissances sont majoritairement acquises via des études scientifiques. Il n’est pas obligatoire de se baser sur la science pour se faire une opinion, mais l’avantage est qu’elle limite grandement les erreurs d’interpretation et les biais d’opinion. En tant que lecteur, il y a plusieurs choses à faire pour s’assurer que la source d’information est basée sur la science :

Vérifier les sources: Est ce que des articles scientifiques sont cités? Est-ce que l’auteur.e fait référence à des études? Si non, est-ce qu’il/elle est capable de citer des sources et d’expliquer comment il/elle a développé son raisonnement sur la base d’un savoir scientifique? N’hésitez pas à lui demander.

– Je vous conseille vivement de questionner la fiabilité des sources citées, surtout si l’auteur.e partage des articles de médias grand-public, des articles de blog sans références, des livres non-scientifiques (écrits par des personnes qui n’ont pas de diplôme scientifique). Il vaut mieux s’orienter vers des sources qui citent des articles scientifiques validés par des pairs ou vers une personne qualifiée dans ce domaine. Néanmoins, notez bien qu’une personne peut citer des articles scientifiques sans les avoir lu et analysé. Si vous voulez vous assurer que ces études soutiennent les arguments de l’auteur.e, lisez-les. Pour bien comprendre et interpreter les articles scientifiques, il y a quelques clés: COMMENT LIRE ET COMPRENDRE UN ARTICLE SCIENTIFIQUE ?

– En plus de vérifier si les sources sont fiables, il est important de voir quand elles ont été publiées. Plus elles sont récentes, plus elles sont au fait des dernières connaissances sur le sujet.


– Vous pouvez également vous renseigner sur les études qui existent sur le sujet. Par exemple, un.e auteur.e indique que les chiots doivent rester avec leur mère jusqu’à l’âge de 3 mois. Y a t’il des études sur le sujet? Demandez les sources ou cherchez-les. Si cela n’a pas été étudié, est-ce que d’autres connaissances sur le développement du chien soutiennent cette opinion? Une personne qui émet une hypothèse non-étudiée doit être capable d’argumenter son idée avec des connaissances scientifiques valides. En multipliant les sources d’information, vous aurez une meilleure compréhension du sujet. Ne vous arrêtez pas à une seule source.

Objectifs et biais de l’auteur.e

Lorsqu’on lit un article ou un livre, il est utile de se demander quel est l’objectif de l’auteur.e. Cela nous permet notamment de comprendre si elle/il cherche à orienter notre opinion. Par exemple, vous vous renseignez sur l’huile de CBD et vous tombez sur un article intitulé: « Anxiété chez le chien: les bienfaits de l’huile de CBD ». Ce titre vous indique tout de suite l’orientation de cet article; vous convaincre que l’huile de CBD peut réduire l’anxiété de votre chien. Il est possible que l’article soit basé sur des références solides et qu’il soit bien nuancé, qu’il contienne des avertissements sur les risques, qu’il vous conseille de vous renseigner auprès d’un spécialiste… ce qui est très bien. Cependant, ce n’est pas toujours le cas. Vous pouvez aussi voir si la source contient :

Un conflit d’intérêts: Cela signifie qu’un individu ou une organisation doit gérer plusieurs liens d’intérêts qui s’opposent. Par exemple, si l’article sur le CBD est publié sur un site qui vend du CBD, il y a un conflit d’intérêts: bien informer un public non-expert versus convaincre que le produit est efficace afin de le vendre. En conséquence, l’article sera certainement orienté. Il vaut mieux se renseigner auprès de sources plus « neutres », sans biais de financement.

Des nuances: l’article donne t-il les avantages, les inconvénients, montre t-il les alternatives, les faiblesses d’une idée, un point de vue alternatif? C’est particulièrement important dans l’éthologie canine, car le chien domestique a une plasticité comportementale très grande par rapport à d’autres espèces et il est très difficile de généraliser. Par exemple, j’ai récemment vu un article qui indiquait que tous les chiens devraient mastiquer quotidinnement.  Nuancer ses propos, c’est dire qu’un individu aura des besoins différents d’un autre, en fonction de son âge, de son expérience, de ses préférences… et qu’il faut faire attention aux généralisations.

Des conclusions fondées:
si on vous explique que le CBD est très efficace pour réduire l’anxiété, sur quoi cette conclusion est-elle basée? Par exemple, a-t-on parlé d’études cliniques contrôlées en double aveugle avec placebo (le top pour tester l’efficacité d’un traitement)? Sur quoi se basent ces conclusions? Des études? Des anecdotes personnelles?

– De la prudence:
L’étude du comportement canin est en plein boom, mais il y a encore énormément de zones d’ombres. Il y a encore beaucoup de choses que nous ne savons pas. Si l’auteur.e fait preuve de prudence, notamment en expliquant que le sujet n’a pas été considérablement étudié et que nos connaissances doivent être approfondies, il y a moins de risques que les infos transmises par les experts soient considérées comme une vérité.

Différencier savoir et opinion

Beaucoup de professionnels partagent leurs réfléxions et leurs opinions. Cela nous permet d’enrichir nos propres réflexions, particulièrement quand la personne a une éthique de travail et une philosophie avec laquelle nous sommes en accord. Cependant, attention à bien différencier opinion et savoir. Bien que les opinions peuvent être basées sur un savoir, elles ont généralement de multiples fondements (morale, culture, expérience, interpretations, croyances…). Il n’est pas question de totalement rejeter ces opinions, mais plutôt, de ne pas en faire des vérités absolues et de vérifier certaines idées.

Par exemple, si j’explique que nous nous focalisons trop sur l’obéissance et pas assez sur le développement de compétences de vie, c’est mon opinion mais ce n’est probablement pas une vérité. Peut-être que des études sur le sujet produiraient des statitistiques contraires et montreraient que les gens s’intéressent plus au développement de compétences qu’à l’obéissance?

Dans ce cas, mon opinion est influencée par mon expérience et mes observations. Après des années à exercer ce métier, elles sont certainement pertinentes. Néanmoins, je généralise sur un tout petit échantillon de population qui est principalement formé par des chiens que je vois en consultation. Donc, principalement des chiens qui ont des problèmes ; mon raisonnement est certainement faussé. Je pourrais apporter plus de validité à mon opinion en argumentant avec des connaissances scientifiques sur le developpement du chien, mais cela n’éliminera probablement pas mes biais. C’est important de le prendre en compte car certains prennent ces opinions pour des vérités – les auteur.e.s compris.

Autres points importants

Qui est l’auteur.e? Renseignez-vous sur la personne qui produit l’information que vous évaluez. Certains non-professionnels peuvent avoir de très bonnes connaissances, mais si l’information vient d’un expert, d’une personne ayant acquis des connaissances solides via une formation poussée, elle est plus susceptible d’être fiable. Une personne qui a une formation scientifique est un gros plus dans ce domaine, puisqu’elle maitrise bien la méthodologie scientifique et l’analyse critique.

Notoriété ≠ fiabilité : aujourd’hui, quand on maitrise les outils de marketing, les réseaux sociaux et la communication, on peut gagner beaucoup d’audience. Il ne faut pas confondre maitrise de ces outils et compétences dans ce domaine d’expertise. Malheureusement, il y a des personnes très influentes qui disent beaucoup d’absurdités. Ne pas se fier uniquement au nombre de followers ou aux ventes de livres.

Le test CRAAP pour référence

Le test CRAAP, qui a été développé par une université Californienne pour évaluer la fiabilité d’une source d’information, peut nous servir de référence pour évaluer un article ou un livre. Il propose une liste de questions à se poser pour évaluer une source. Voici un schéma qui reprend les grandes lignes:

Géraldine Merry, Comportementaliste


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