LA FOURRIÈRE ‘MOUROIR’ EN ROUMANIE


Chiens des rues / dimanche, novembre 21st, 2021
 
Vous avez certainement déjà entendu parler des fourrières publiques roumaines. Celles qu’on nomme bien souvent fourrière mouroir ou équarrissage. Pour moi, ce terme a pris tout son sens lors de la visite d’une de ces fourrières. Attention, texte et images pouvant heurter les personnes sensibles.
 
Avec Anda et ma collègue Émilie, nous nous sommes rendues dans l’une des fourrières publiques de Bucarest, gérée par l’ASPA. À l’entrée, nous sommes accueillies par le directeur, qui nous donne quelques chiffres avant de nous faire visiter les chenils. Il y a actuellement 660 chiens, ils ne pratiquent plus l’euthanasie depuis 2017 et les adoptions se comptent sur les doigts d’une main. Ce qui veut dire que la majorité des chiens qui entrent dans cette fourrière n’en ressortent jamais. Il y a une dizaine de travailleurs, pour nettoyer les enclos et nourrir les chiens.

 
 
 
Le directeur est conscient que beaucoup des chiens ont des troubles du comportement sévères, mais ils n’ont pas la possibilité de travailler avec eux. Au fil de nos conversations, il m’explique que la seule solution qui permettrait de réduire l’afflux de chiens dans ces refuges est la stérilisation. Selon lui, beaucoup des chiens des rues appartiennent à des gens qui ne devraient pas les laisser divaguer.

La visite de la fourrière

Après ces quelques explications, il nous propose d’aller dans la section des chiens agressifs. Nous traversons un grand couloir, avec des bureaux de chaque côté. Le bâtiment est vétuste, mais très propre, comme toutes les autres parties de la fourrière que nous visiterons. Nous traversons un autre bâtiment avec plusieurs rangées de chenils aux parois en métal dans lesquels se trouvent des chiens. Généralement, un chien par box. Il y a des fenêtres, mais la lumière ne passe pas partout et certains chenils sont très sombres.
 
Nous passons une porte pour accéder à l’extérieur, où nous faisons face à des rangées de cages, qui pour la plupart, font à peine deux mètres carré. Chacune contient un chien, une niche, une gamelle remplie d’eau et une autre de croquettes. Nous y passons une vingtaine de minutes durant lesquels les aboiements ne cesseront pas.
 
 

Beaucoup de ces chiens sont agressifs, apeurés et certains expriment des comportements stéréotypés. Au milieu de ça, il y a quelques chiens sociables qui cherchent immédiatement le contact. Ils sont eux aussi victimes de l’enfermement, mais ce dont ils souffrent certainement le plus, c’est l’isolement social – ils n’ont presque pas de contact avec l’humain.
 
Certaines des cages sont très petites; le chien a très peu d’espace entre sa niche et les parois. Les niches sont parfois totalement détruites par les chiens, ce qui n’a rien d’étonnant vu le peu d’espace et d’occupations à leur disposition. Il règne une ambiance très anxiogène. Les aboiements des chiens ne sont pas juste assourdissants, ils sont également très stressants. La contagion émotionnelle, le stress ambiant, me font frôler la crise d’angoisse. Je ne peux m’empêcher de penser que la majorité de ces chiens finiront leur vie dans ces minuscules cages. Ils ne connaitront plus jamais le plaisir de courir – ou simplement, de marcher et explorer.
 

 
 
 
 


Nous visitons ensuite les autres bâtiments qui contiennent des enclos aux parois en métal, totalement opaques. Les chiens ont vue sur le plafond et sur ce qui passe derrière la petite grille de la porte. Ils sont entourés par quatre parois, un sol en carrelage avec une grille d’évacuation qui le traverse, un panier ou une plateforme en bois et des gamelles.

Les scènes que dévoilent chaque grille de porte sont effroyables. Non seulement ces chiens ont peur, mais ils semblent associer l’humain à une grande menace. Certains paniquent en nous apercevant par la lucarne, ils cherchent à fuir par tous les moyens, mais c’est impossible. De nombreux chiens agressifs ; l’un d’entre eux surgit derrière la lucarne grillagée de la porte, toutes dents dehors et avec la gueule mousseuse. Parfois, la lucarne dévoile une vision des plus tristes ; des chiens sont prostrés dans un coin du box, le regard vide. Ils semblent totalement brisés et éteints.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Au milieu de ça, il y a des chiens sociables, encore connectés à la réalité, qui viennent chercher le contact. Cependant, je ne trouve aucun réconfort, car pour moi, ils souffrent certainement encore plus de l’isolement. Ils expriment beaucoup de joie quand ils nous aperçoivent, mais les laisser là, seuls, nous brise le coeur.

Les plus chanceux sont à l’extérieur, dans de plus grands enclos où ils sont plusieurs, avec plus d’espace et surtout, un peu de stimulation. Ils peuvent observer ce qu’il se passe autour, jouer ensemble et prendre des bains de soleil. L’ensemble de la fourrière était très propre, contrairement aux images que j’ai pu voir des autres fourrières du pays. Les chiens ont des abris, ils sont nourris et soignés.


Enclos extérieurs

 

La question du bien-être animal

Cette question est plus que critique, car ces chiens ne sortent JAMAIS de leurs cages ou enclos. Il n’y a pas de promenades, pas de sessions de jeu, ni d’enrichissement. Ils n’ont pas de jouets, très peu de stimulation sensorielle – et aucun moyen de répondre aux besoins comportementaux normaux de l’espèce. Ils n’ont pas beaucoup d’options ; dormir, tourner en rond ou tenter de détruire les barreaux/parois de leurs cages. Ils n’ont pas beaucoup de contact avec les humains, même si j’ai pu observer une travailleuse qui caressait la tête d’un chien pendant qu’elle nettoyait sa cage. Si ces moments existent, ils sont extrêmement rares. D’autant plus que le nettoyage de la cage prend quelques minutes tout au plus.
 
Pour certains de ces chiens, c’est le vide total ; ils sont isolés, sans congénère, entre quatre murs opaques. Beaucoup (si ce n’est la majorité) d’entre eux sont dans un état de stress intense. À plusieurs moments, je frôle la crise d’angoisse. Il y a une telle souffrance dans cet endroit, je suis profondément meurtrie par ces scènes qui défilent devant moi. Ce qui est vraiment dur, c’est de voir de manière aussi flagrante, l’effet de l’enfermement, de l’ennui et de l’isolement sur ces animaux. C’est un environnement totalement annihilant.

Si encore l’attente de ces chiens était de courte durée. Non, certains chiens sont là depuis 2017 et ils ne sortiront jamais de leur cage. Les adoptions par des roumains sont très rares. Leur seul espoir est qu’une association étrangère ou un refuge privé les sortent de là. Quant aux propriétaires qui viennent récupérer leur animal capturé, il y en a eu 2 sur tout le mois d’octobre. Ces animaux sont apportés par les dog catchers (les attrapeurs de chiens) qui les capturent dans la rue, mais il y a aussi des gens qui viennent abandonner leur animal.
 
Et pourtant, on m’explique que c’est loin d’être la pire des fourrières. Je ne peux que saluer le travail de toutes les associations qui sortent les chiens de ces mouroirs. Dans ce moment d’horreur, elles étaient mon seul réconfort. Quelques associations locales sortent des chiens de cette fourrière, mais elle manque cruellement de partenariats avec des associations étrangères.

 
Anda et un chien de la fourrière


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