PRÉVALENCE DES COMPORTEMENTS PROBLÉMATIQUES CHEZ LES CHIENS


Actualités scientifiques, réflexions, idées, Relation homme-animal / dimanche, décembre 3rd, 2023

Une étude Danoise sur la prévalence des comportements problématiques chez les chiens de famille vient d’être publiée dans le ‘Journal of Veterinary Behavior’. Voici une petite synthèse des résultats et quelques réflexions.

Point fort de l’étude: l’échantillon représentatif

Les chercheurs se sont intéressés aux comportements problématiques des chiens de compagnie via un échantillon représentatif de la population du pays. Ce qui veut dire qu’il reflète le plus fidèlement possible la population humaine et canine générale; ici, à l’échelle du Danemark.

À contrario, la plupart des études similaires sont basées sur un échantillonnage de convenance; les participants sont choisis sur la base de l’accessibilité, la praticité et/ou le coût. Ce qui a le défaut d’introduire des biais; certains profils sont plus susceptibles d’être recrutés que d’autres. Par exemple, les réseaux sociaux ont tendance à attirer les personnes qui sont intéressées par le sujet en question. En conséquence, les personnes renseignées sont sur-représentées.

Résultats

L’un des résultats les plus significatifs de l’étude est que 34% des participants ont indiqué que leur chien manifestait des problèmes de comportement. Ce chiffre peut sembler alarmant, alors que cette proportion est bien moins élevée que dans les études avec des échantillons de convenance; ces derniers sont plus susceptibles d’attirer les personnes rencontrant des problèmes. Ceci dit, il faut regarder ces résultats de plus près pour mieux comprendre, notamment, la nature et sévérité des problèmes.

Perception des problèmes et prévalence

La peur, particulièrement la peur des bruits, est l’une des problématiques les plus citées avec « l’obéissance”. Pour reprendre les descriptions de l’article, les problématiques d’obéissance sont: le chien ne revient pas quand on l’appelle, saute sur les gens et aboie. Rien de surprenant, puisque beaucoup d’études sur les perceptions des humains concernant les comportements de leurs chiens montrent que les problématiques les plus citées sont liées à l’obéissance (je ne suis pas particulièrement fan de ce terme, mais il est encore largement utilisé dans la terminologie scientifique).

En comparant ces deux problématiques, on a d’un côté un problème qui peut impacter le bien-être des chiens de manière significative et de l’autre, des comportements qui sont surtout liés aux besoins des humains. Cela nous rappelle que les comportements dits problématiques, ne sont pas toujours directement liés au bien-être de l’animal et ne sont pas toujours des comportements anormaux. Certains ne sont pas révélateurs d’un problème de bien-être; ils sont simplement indésirables pour l’humain.

Il y a donc un point positif dans ces résultats: la proportion de chiens qui ont des problèmes impactant directement leur bien-être est finalement moins importante. Ceci dit, les comportements indésirables peuvent altérer la relation et la cohabitation entre humains et chiens. Bien qu’ils reflètent souvent des attentes trop élevées, n’oublions pas qu’ils sont un motif d’abandon très courant, peu importe leur nature ou sévérité. Ce serait une erreur de les discréditer

La façon dont les humains perçoivent les comportements de leur animal, est un facteur qui influence le taux de prévalence des problèmes, mais aussi les mesures qu’ils prendront pour régler (ou non) ces problèmes. Si un problème de bien-être n’est pas perçu comme problématique, le chien ne recevra pas l’aide dont il a besoin. Il est donc important de comprendre les facteurs qui influence les perceptions, afin de pouvoir mieux sensibiliser les humains et améliorer le bien-être animal.

Comportement et santé

Parmi les résultats intéressants, on note une association entre les problèmes de santé (ex: douleurs) et les problématiques liées à la peur et l’agression. Un point sur lequel on avance bien ces dernières années, puisqu’on s’intéresse de plus en plus à ce lien. Ces résultats accentuent la nécessité d’une approche pluridisciplinaire dans la gestion des comportements problématiques des animaux. Si on n’écarte/traite pas les causes médicales, on n’avancera jamais significativement sur ces problématiques et les conséquences sur le bien-être du chien seront négatives.

Agression

Les résultats ont également montré que la prévalence de l’agression est élevée, et lorsqu’elle est mentionnée, elle concerne principalement les congénères. Dans beaucoup d’études sur les perceptions des gardiens, l’agressivité est moins citée que les autres problématiques. Cependant, dans les revues d’études de cas de spécialistes, elle ressort comme une problématique majeure.

Là aussi, l’échantillon joue un rôle important; puisque les gardiens sont + susceptibles de consulter un spécialiste du comportement pour des comportements agressifs, ce qui influencera forcément les taux de prévalence des études basées sur les données de ces professionnels.

Problématiques moins citées

Étonnamment, les problématiques liées à la séparation/solitude sont relativement peu mentionnées. Un intérêt pour ces problématiques s’est récemment développé chez les professionnels et il est possible qu’elles soient encore méconnues des particuliers en général. Si ces problématiques ne sont pas comprises et identifiées, les humains sont moins susceptibles de les mentionner. Malheureusement, cela signifie aussi qu’ils sont moins susceptibles de chercher à les régler. Si l’on considère qu’elles sont parmi les problématiques plus citées dans les motifs d’abandon et sont généralement associées à des problèmes de bien-être.

Nous verrons peut-être une évolution dans les perceptions ces prochaines années, comme l’indique une étude Australienne avec un échantillon représentatif, dans laquelle 30% des gardiens ont indiqué rencontrer des problématiques liées à la séparation/solitude. Dans les pays anglophones, les gens y sont sensibilisés depuis quelques années.

Autres facteurs et associations

Plusieurs de facteurs et associations sont mis en lumière, et notamment, les facteurs environnementaux associés à chaque problématique. Par exemple, les chiens vivant en appartement et milieu urbain présentent + de problèmes de peur que les chiens vivant en milieu rural et en maison. Il est possible que la peur des bruits soit plus susceptible de se développer dans un environnement produisant de nombreux bruits imprévisibles. Néanmoins, d’autres facteurs, comme le mode de vie des humains, pourraient avoir une influence sur ces problèmes.
Autre exemple, plus de temps en libre (non attaché) en promenade était associé à une baisse des problèmes, sans qu’un lien de causalité ne puisse être établi, car d’autres facteurs pourraient influencer cette association.

En conclusion

Cette étude montre qu’il est crucial de mieux identifier ce que les gardiens perçoivent comme problématique/indésirable, ou non, dans les comportements de leur chien. Il est également important de comprendre les facteurs qui influencent ces comportements et leur prévalence, les comorbidités, ainsi que les mesures mises en place par les gardiens pour régler ces problèmes. Le comportement canin est complexe, et n’oublions pas que l’humain, son sytème de valeurs, sa perception et ses besoins, sont des facteurs qui influenceront grandement notre compréhension.



LIEN VERS L’ÉTUDE:
Behavior problems in dogs—An assessment of prevalence and risk factors based on responses from a representative sample of Danish owners

ARTICLES SIMILAIRES:
FACTEURS DE BIEN-ÊTRE CHEZ LE CHIEN
ANXIÉTÉ DE SÉPARATION : UN PROBLÈME COMPLEXE À TRAITER AU CAS PAR CAS
LA PEUR CHEZ LE CHIEN (1/5)