VOYAGE EN ROUMANIE – BUCAREST ET LE REFUGE D’ALINA ET ANDA


Chiens des rues / mardi, novembre 9th, 2021

 

Pour accompagner au mieux les chiens, il est essentiel de comprendre l’influence de leur environnement de vie et leurs expériences passées. Ces facteurs peuvent nous en dire long sur les apprentissages et les comportements exprimés. Dans cette optique, je me suis rendue en Roumanie pour deux semaines. Mon objectif était de mieux comprendre le quotidien des chiens et leurs expériences avant l’adoption. Les chiens roumains sont de plus en plus nombreux à être adoptés en France. En observant leur vie dans la rue, dans les fourrières et les refuges, et en saisissant leur place dans la société roumaine, j’espérais mieux comprendre les défis qu’ils rencontrent lors de leur adaptation en milieu familial et les problèmes comportementaux qui en découlent.

Chiens dans le refuge d’Alina et Anda en Roumanie, photo Géraldine Merry


À la recherche des chiens de Bucarest

Ma première journée en Roumanie a été consacrée à l’exploration des rues de Bucarest, à la recherche de chiens errants. Au-delà du centre historique, le paysage urbain est dominé par les blocuri (immeubles de l’ère communiste), entourés de parcs verdoyants, de larges avenues bordées d’arbres et d’aires de jeux pour enfants.

J’ai croisé de nombreux chiens, mais tous étaient accompagnés de leur propriétaire et tenus en laisse. Beaucoup portaient même des manteaux pour se protéger du froid. J’ai été particulièrement surprise par la popularité des Bichons (maltais et frisés), que j’ai vus en très grand nombre tout au long de mon séjour. Cette absence de chiens des rues m’a intriguée. Je me suis dit que la situation serait certainement différente à la campagne, et la journée suivante a confirmé mon intuition.


Au delà de Bucarest : le refuge d’Alina et Anda

Le lendemain, le voyage de 25 minutes vers le sud de Bucarest révèle une autre Roumanie, plus rurale et précaire. Le long des routes et dans les villages, je vois de nombreux chiens errants, souvent de type berger. Certains semblent bien nourris, mais d’autres sont maigres et sales. Je les aperçois le plus souvent sur le bord des routes, ou dans des terrains vagues, et rarement en groupes de plus de deux. Le contraste avec la capitale est frappant.

Dans les villages, de nombreux chiens gardent les maisons et sont libres de leurs mouvements. Ils tiennent parfois compagnie aux habitants assis devant leurs demeures. Plus je m’approche de ma destination, plus les aboiements deviennent audibles, agissant comme un guide pour arriver au refuge d’Alina et Anda. Sur place, mère et fille, assistées de quelques bénévoles, s’occupent de plus de 300 chiens recueillis dans la rue ou abandonnés.

 

Deux chiens les rues d’un village, photo Géraldine Merry

 

Doux regard derrière les grilles, photo Géraldine Merry

Le refuge d’Alina et Anda

En arrivant sur place, le contraste est saisissant. Ma première journée a été une véritable montagne russe émotionnelle. D’un côté, il y a ces chiens incroyablement sociables qui cherchent constamment l’attention. De l’autre, des animaux très craintifs qui se terrent dans leurs niches dès que l’on s’approche. On voit des chiots qui manquent cruellement de contacts humains, et l’urgence de leur socialisation est palpable. Leurs expériences de vie sont limitées et chaque jour qui passe est un temps précieux perdu. La seule chose que l’on souhaite pour eux, c’est de trouver une famille d’adoption le plus rapidement possible.

On alterne entre des moments de tendresse et un profond sentiment d’impuissance. Ce sentiment est omniprésent, car on réalise vite que c’est un problème sans fin. Le refuge est surpeuplé, malgré les nombreuses adoptions à l’étranger. De nouveaux chiens arrivent presque quotidiennement, car on ne peut pas refuser d’aider un animal en détresse.

L’impuissance vient aussi du fait que toutes les idées que l’on apporte avec nous s’effondrent face à l’urgence. Nettoyage, nourrissage, soins vétérinaires, entretien du refuge… ces tâches essentielles monopolisent tout notre temps. On rêve de mettre en place des programmes de socialisation et de rééducation, mais le temps manque cruellement. En tant que comportementaliste, je dois accepter que ma contribution est limitée à l’essentiel, à l’urgence du quotidien.

Petite chienne au refuge d’Alina et Anda, photo Géraldine Merry

 

Des observations passionnantes

Le refuge est un véritable terrain d’observation qui m’enseigne énormément. J’y observe les subtilités de la communication canine, de la gestion de l’espace et des ressources, ainsi que des systèmes sociaux complexes. L’équilibre y est fragile, particulièrement au sein des groupes de chiens. Un simple changement, un objet nouveau, une place convoitée, ou même un peu d’excitation, peuvent déclencher des conflits, parfois tragiques.

Les profils des chiens sont très variés. Certains sont extrêmement craintifs, voire inapprochables, tandis que d’autres débordent d’amour pour les humains. Si certains s’adapteront facilement à leur nouvelle vie, d’autres auront beaucoup de mal à trouver une famille. Leur vie au refuge, très simple et peu stimulante, ne les prépare pas à la complexité d’un foyer. Ils sont peu exposés à l’extérieur de leur enclos, et chaque changement peut provoquer une réaction disproportionnée.

En tant que comportementaliste, je fais un lien direct entre ce mode de vie et les problèmes que je rencontre le plus souvent chez les chiens roumains adoptés en France. On observe fréquemment de la réactivité, de la peur des inconnus, de la néophobie, de l’agressivité autour des ressources, et de grandes difficultés d’adaptation.

Voici quelques têtes du refuge d’Alina et Anda. Certains attendent d’être choisis par une famille. Il y a aussi de nombreux chats, généralement là parce qu’ils ont été abandonnés ; ils sont donc très sociables. Si vous aimeriez adopter l’un d’entre eux, visitez la page de l’association partenaire du refuge : https://www.facebook.com/RefugeDeAlinaEtAnda.SabineAdoptionChiensDeRoumanie