La mise en échec par les autres ne concerne pas uniquement les interactions entre congénères. Le fameux « mon chien est gentil » a un équivalent dans les approches des humains vers les chiens. Il est important de comprendre que nos attitudes bienveillantes, ne sont pas toujours perçues de la sorte par les chiens.

Une cliente, sa chienne et moi en avons fait les frais il y a quelques jours lors d’une séance. Rava est une petite chienne qui a peur des personnes qu’elle ne connaît pas. Cela fait plusieurs semaines que nous travaillons sur des croisements avec des complices humains, afin de créer des expériences positives avec des inconnus. Elle peut croiser des gens sans trop d’appréhension, s’ils ne changent pas de comportement soudainement.

Rava commence à prendre confiance et s’approche très souvent des inconnus pour les sentir. C’est un comportement qu’elle n’exprimait pas avant car elle aboyait constamment, même à distance. Mes complices sont briefés ; il ne faut pas changer d’attitude lorsqu’elle vient les sentir. Le moindre mouvement ou geste pourrait lui faire peur. S’ils n’interagissent pas avec elle dans ces moments-là, elle se détourne pour aller sentir des odeurs ou revient vers sa gardienne. Elle reste sereine et prend plus de décisions, ce qui est très positif.

Néanmoins, il y a toujours un moment où notre travail nécessite une mise en situation réelle. Nous devons donc travailler les croisements sur les lieux de promenade et en ville. Ce sont des environnements sur lesquels nous avons peu de contrôle. Un de mes objectifs est de transmettre les bons réflexes à mes clients pour limiter les échecs; éviter les croisements sur des trottoirs étroits, éviter les rues très empruntées, s’éloigner des enfants qui peuvent être imprévisibles, demander aux gens de ne pas interagir avec leur chien…

Cependant, il y a toujours des couacs. Nous en sommes conscients. Dans le cas de Rava et de beaucoup d’autres chiens qui ont peur des humains inconnus, les échecs viennent très souvent des attitudes des gens. Il y a quelques jours, un passant s’est approché de nous pour interagir avec elle. J’ai tenté de l’arrêter en lui expliquant que c’est une chienne qui a peur des inconnus et qu’il ne faut pas s’en approcher. L’homme m’a répondu : « Ne vous inquiétez pas, je sais y faire, j’adore les animaux ». Et tout en répétant plusieurs fois qu’il adore les animaux, il s’accroupit face à elle et lui tend la main. Ce comportement déclenche une forte réaction de fuite, suivie par des aboiements.

Ce n’était pas le premier échec. Une dame qui se promenait avec son chien a elle aussi tentée de la caresser, bien que nous lui avons expliqué qu’il ne fallait pas le faire. C’est un problème auquel font souvent face les personnes qui vivent avec des chiens peureux. Plus globalement, un chien qui s’approche ne le fait pas forcément pour avoir un contact avec la personne. Il peut le faire pour prendre des informations par l’odorat. Les réponses que nous pouvons avoir face à ces approches peuvent être perçues comme menaçantes. Soit parce que leurs caractéristiques sont associées à une intention menaçante dans le langage canin ; s’approcher frontalement, changer d’attitude rapidement, se pencher au-dessus… Soit parce que notre changement de comportement est rapide, nos mouvements sont soudains et imprévisibles. Le chien ne s’attend certainement pas à ce que la personne s’accroupisse pour lui faire face. Pour les chiens peureux, ces changements de comportement sont particulièrement difficiles et déclenchent très souvent des réactions de peur. Cela rend les humains plus imprévisibles et ne les aide pas à prendre confiance.

Beaucoup de gens estiment que les chiens ont besoin de contact pour être rassurés. On pense que s’accroupir et tendre la main pour que le chien la sente sera perçu comme un signe d’amitié, que cela apaisera le chien. En vérité, les chiens ‘timides’ et craintifs, seront bien plus rassurés si on les ignore ou si on interagit très calmement.

Pour eux, un langage corporel amical impliquera de :
– Ne pas lui faire face. On se place de côté en tournant légèrement le dos.
– Détourner le regard, le regarder brièvement puis détourner le regard.
– Être calme, faire des gestes lents, se déplacer lentement.
– Rester debout ou s’asseoir sur une chaise, s’accroupir à distance. Notez bien que s’accroupir est généralement perçu comme une approche. Tout comme se pencher ou approcher la main. Ça passe très bien avec un chien qui cherche le contact, mais pas avec celui qui l’évite.
– Garder nos mains en vue, mais ne pas les approcher du chien.

Il est important de le prendre en compte. Même avec de très bonnes intentions, même si on adore les animaux, notre bienveillance n’est pas toujours reçue positivement et peut impacter leur bien-être. Si vous avez un chien craintif ou un chien timide, il ne faut pas hésiter à demander aux autres de lui laisser de l’espace, ou plus simplement, de l’ignorer. Il existe d’ailleurs des gilets que vous pouvez placer sur votre chien, avec un message de demande d’espace.

Géraldine Merry

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