Nous avons vu dans le précédent article que le jeu peut avoir plusieurs fonctions et qu’il contribue au développement physique, social et mental du chiot. Chez le chien domestique, le jeu ne s’arrête pas quand l’animal atteint l’âge adulte – contrairement à de nombreuses espèces animales. Que ce soit avec des congénères, avec ses humains ou avec des jouets, il est très courant de voir un chien adulte jouer. Alors, pourquoi le jeu est-il encore très présent chez les chiens adultes ?
Un soupçon de prédation
Le jeu en solitaire avec des jouets implique des comportements de prédation. L’un des plus observés est celui de secouer le jouet très rapidement ; comme pour briser le cou de la proie. Les chiens ont d’ailleurs souvent une préférence pour les jouets qui peuvent être ‘dépiautés’ et vidés, ceux qui font du bruit et qui bougent de manière imprédictible – ce qui ressemble fortement aux caractéristiques d’une petite proie.
La sélection artificielle par l’homme a conduit certaines races à n’exprimer qu’une partie des patrons moteurs de la séquence de prédation, qui implique normalement de : se positionner, observer, traquer, pourchasser, attraper en gueule, mordre-tuer et disséquer.
Toutes les races n’expriment pas cette séquence entière, particulièrement les races qui n’ont pas été sélectionnées pour aider l’homme à la chasse. Certains chiens (races) peuvent exprimer une partie de cette séquence, comme les chiens rassembleurs, qui vont exprimer les premiers comportements de cette séquence très tôt dans leur vie. Pour d’autres, ces comportements seront totalement inhibés.
Quoi qu’il en soit, le jeu avec des objets pourrait être une sorte de dérivé de la sélection artificielle qui a permis d’éliminer les comportements de prédation ; le chien aurait de temps en temps besoin d’exprimer ces anciens patrons moteurs. On les retrouve également souvent dans le jeu intraspécifique, comme je l’ai expliqué dans le premier article. Et dans certains cas, nous humains forçons un peu les choses en faisant ressortir ces comportements de manière importante, particulièrement avec les jeux de balle. Comme si c’était absolument nécessaire qu’un chien poursuive une balle et la ramène à son gardien, on me dit souvent : « mon chien n’est pas normal, il ne ramène pas la balle ».
Juste du plaisir et un besoin de stimulation
Comme nous l’avons vu précédemment, le jeu n’a pas vraiment de fonction unique, et il est également possible qu’il ne soit pas complètement fonctionnel. Le fait qu’il soit plus important chez les canidés domestiques que chez les canidés non-domestiques peut signifier qu’il est le résultat d’un excès d’énergie et d’un manque de stimulation. Le jeu est d’ailleurs plus présent chez des espèces sauvages qui vivent en captivité, en comparaison à leurs congénères qui vivent dans leur milieu naturel en liberté.
Il est aussi une source de plaisir: des études ont montré que le jeu active les circuits de la récompense dans le cerveau. C’est une activité satisfaisante qui est un indicateur de bien-être (sauf quand c’est une activité de substitution – voir paragraphe suivant).
Jouer est souvent associé aux rencontres avec d’autres congénères en balade et ce besoin peut-être fort si un chien n’a pas assez de contacts avec ses congénères le reste du temps. Ce qui contribue souvent au phénomène de « réactivité », comme on l’appelle couramment. Initialement, des réactions excessives sont souvent causées par de la frustration, parce que le chien veut aller voir ses congénères et qu’il en est empêché. Quoi qu’il en soit, le jeu est souvent une façon de rencontrer et passer du temps avec des congénères et l’apprentissage fait aussi parfois qu’ils n’ont pas appris à interagir autrement.
Activité de substitution
Une autre hypothèse que je trouve très intéressante, indique que le jeu peut être une stratégie d’apaisement, dans des situations stressantes et anxiogènes. Il n’est donc pas associé à du plaisir et il n’est pas forcément consenti.
D’ailleurs, en observant bien, on peut parfois voir des chiens initier du jeu sans trop le vouloir. Avec les congénères, cela arrive souvent après qu’un chien ait refusé de jouer à plusieurs reprises.
Dans ce cas, les chiens donnent l’impression de ne pas savoir quoi faire à la place et semblent utiliser le jeu pour « chercher une porte de sortie ». Comme le jeu doit normalement impliquer des pauses régulières permettant de s’assurer qu’il est toujours consenti – il est possible que certains chiens initient le jeu dans l’espoir de pouvoir indiquer par la suite qu’ils ne veulent pas jouer.
Si l’humain ne perçoit pas cet inconfort et pense que son chien cherche à jouer, son interprétation des comportements de jeu de son chien est totalement faussée ; il laisse son chien dans une situation difficile, qui peut potentiellement mal tourner. Dans ce cas, le jeu n’est en réalité pas du jeu – l’état émotionnel n’est pas positif et il faut agir pour soulager le chien.
Attention donc, à bien observer les comportements du chien avant une rencontre ou avant d’interagir avec lui en jouant ; signaux d’apaisement, signes d’inconfort, tentatives d’évitement…
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