LE JEU CHEZ LE CHIEN (1/2) LES DIFFÉRENTES FONCTIONS


Communication canine, Éthologie canine / dimanche, mars 28th, 2021
 
Vous allez sûrement être étonnés d’apprendre que le jeu chez le chien est quelque chose d’assez mystérieux pour la science. Il y a actuellement peu d’études et encore beaucoup de questions sans réponse.
 
Je vous propose une mini-série d’articles pour décrypter ce phénomène, avec un petit éclairage sur nos connaissances actuelles. Le premier article expliquera les différentes théories sur la fonction du jeu entre chiens, notamment en terme de développement physique et mental, et de cohésion sociale. Le second article traitera du jeu chez les chiens adultes. Et si cela vous intéresse, je peux compléter avec un troisième article sur les comportements de jeu des différentes espèces de canidés > si vous êtes intéressés indiquez-le en commentaire.
 
Qu’est-ce que le jeu ?
 
Le jeu chez le chien est caractérisé par des comportements volontaires, non-spécifiques (qui ont aussi d’autres fonctions et peuvent apparaître dans d’autres contextes), qui sont exprimés dans un contexte bénin et qui sont associés à un état émotionnel positif. Ces comportements paraissent souvent agressifs ou ressemblent à de la prédation, et c’est tout à fait normal. Le chien exprime ces comportements à des fins différentes ; sans intention de blesser. Pour la petite anecdote: dans certains films, les scènes de combat/bagarre entre chiens sont des parties de jeux filmées de manière à ce qu’on perçoive uniquement de l’agressivité.
 
Plusieurs fonctions
Comme le jeu implique une forte dépense énergétique et un risque de blessure ; il doit avoir une fonction (et une motivation) importante pour que les animaux choisissent d’exprimer ces comportements. C’est certainement pour cela qu’il est plus présent chez les espèces à la croissance juvénile lente et celles qui sont généralistes ; un excès d’énergie peut être utilisé pour autre chose que la survie.
 
En suivant cette logique, une espèce domestique a plus d’opportunités pour le jeu, car l’apport constant en nourriture et le manque d’activité lié à la recherche de nourriture crée un excès d’énergie important. Mais est-ce que ses fonctions sont altérées par la domestication ? Une question sans réponse.
 
Nos connaissances actuelles indiquent que le jeu a différentes fonctions (qui sont complémentaires). Voici celles qui sont en lien avec le développement de certaines capacités cognitives et physiques, ainsi que les compétences sociales.
 
 
➡️ Facultés motrices
 
Le jeu permettrait de « pratiquer » certains comportements essentiels pour la survie ; attaquer, mordre, chasser, attraper, bloquer, fuir. Ces comportements peuvent grandement faciliter la capture d’une proie ou la protection face à une menace. À travers le jeu, un chien peut perfectionner certains mouvements, améliorer sa proprioception et s’adapter à l’espace dans lequel il se trouve. C’est comme un entraînement.
 
Il y a un apprentissage important qui est directement issu de ces interactions ; l’inhibition de la morsure. Le chien apprend à doser la pression de sa morsure via le jeu, car le contexte n’est pas menaçant. C’est un apprentissage particulièrement important pour les chiens de famille, qui vont jouer avec leurs gardiens comme ils jouent avec leurs congénères ; ils doivent apprendre à utiliser leur gueule sans causer de blessures.
 
➡️ Communication et cohésion sociale
 
Alors que les séquences de jeu vont permettre la pratique de comportements liés à la survie, elles vont également permettre l’apprentissage et le perfectionnement de la communication intraspécifique (entre chiens). Le jeu est une forme de communication. Par exemple, la révérence est un signal de communication permettant d’exprimer une envie de jouer – c’est aussi une invitation.
 
Lors des séquences de jeux, de nombreux signaux sont échangés volontairement et ces échanges sont perfectionnés au fil des interactions. Convaincre un autre individu de jouer et de continuer cette activité, requiert d’excellentes compétences en communication, notamment via un timing stratégique, la gestion des réactions imprédictibles du partenaire et un peu de créativité.
 
En plus de la communication, le jeu a des effets sur la cohésion sociale ; se familiariser avec d’autres individus, renforcer les liens et prévenir l’agressivité. Ce qui est intéressant, c’est que le chien domestique sait adapter ce jeu en fonction de l’espèce avec laquelle il interagit ; jouer avec un congénère implique généralement plus de « compétition » et de « possessivité » autour des jouets, et aussi, moins d’interactions directes en comparaison aux jeux avec l’humain. Les chiens préfèrent en général jouer avec des individus qu’ils connaissent déjà et cela implique des interactions plus actives et plus tactiles.
 
Il y a également une hypothèse selon laquelle le jeu permettrait d’évaluer les capacités physiques et sociales d’un autre individu – c’est une forme de familiarisation. On voit parfois que le jeu ne semble pas habituel. Il est possible que certaines de ces interactions soient utilisées par les chiens comme des sortes de tests et ne sont pas motivés par un besoin de relâchement et du plaisir. Je développerai ce point dans le prochain article.
 
➡️ Autocontrôle et gestion de l’inattendu
 
On pense que le jeu joue aussi un rôle important dans le développement de certaines capacités et compétences ; comme l’autocontrôle, la perception spatiale, ainsi que la capacité d’adaptation face à des événements inattendus ; en apprenant à évaluer différentes informations et en contrôlant ses réponses, le chien apprend à résoudre des problèmes.
De plus, les différentes sensations et réponses physiologiques à des petites doses de stress pendant les séances de jeu, permettent au chien d’apprendre à surpasser ces difficultés (cela améliore leur résilience face au stress) et à s’en remettre vite – via un processus d’homéostasie. Le jeu aurait donc un effet anti-stress – confirmé par quelques études ayant mesuré les taux de cortisol avant et après.
 
Si ces théories sont exactes…
Le jeu joue un rôle extrêmement important dans l’apprentissage et le développement social, physique et mental du chien. Ce qui peut expliquer pourquoi la grande majorité des interactions sociales des chiots passent par le jeu. Mais cela pose une question importante : quelle est donc la fonction du jeu chez les chiens adultes ? J’y réponds dans le prochain article.
 
 
References:
-Adam Miklosi ; Dog behaviour, evolution, and cognition.
-Rebecca Sommerville & collègues ; Why do dogs play?Function and welfare implications of play in the domestic dog.
-M. Špinka, R.C. Newberry, M. Bekoff ;
Mammalian play: training for the unexpected.
– N.J. Rooney & collègues ;
A comparison of dog–dog and dog-human play behaviour.
– S-E Byosiere & collègues ; Investigating the Function of Play Bows in Dog and Wolf Puppies (Canis lupus familiaris, Canis lupus occidentalis).
 
 
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