PICKLES: DOULEUR ET COMPORTEMENT


Thérapies / dimanche, janvier 9th, 2022

J’ai rencontré Pickles et ses gardiens lors d’une consultation pour des problèmes de peur en milieu urbain. Ils vivaient en appartement, dans une ville de la proche banlieue parisienne. Un environnement rarement calme, que Pickles devait affronter tous les jours pour faire ses besoins.

Pickles a été adopté par ses gardiens actuels à l’âge de 12 mois. Dès son adoption, il a montré des signes de peur lors des promenades en ville. Certains passages étaient plus difficiles que d’autres et certains bruits l’effrayaient. Néanmoins, avec une bonne gestion, il était possible de le sortir sans trop de difficultés.

La situation s’est compliquée lorsqu’il a contracté la piroplasmose, une maladie parasitaire transmise par les tiques. La maladie provoque une destruction des globules rouges, entrainant une anémie qui peut impacter tout l’organisme. Elle est souvent associée à des douleurs articulaires et musculaires, de la fièvre et une forte fatigue (entre autres). C’est à ce moment-là que les réactions de peur de Pickles se sont intensifiées.

Il était évident que la piroplasmose avait entraîné l’exacerbation de ses peurs. Le lien entre la douleur et l’anxiété est bidirectionnel ; la douleur augmente l’anxiété, l’anxiété augmente la perception de la douleur. De plus, la crispation générée par le stress peut directement augmenter les douleurs musculo-squelettiques. Il est possible que les sorties de Pickles lorsqu’il était malade lui demandaient beaucoup d’efforts, ce qui impactait d’autant plus son état physique dans ces moments. Cet état physique dégradé a pu augmenter son anxiété et exacerber les peurs déjà existantes.

Evolution et autres douleurs

Pickles ne vit actuellement plus dans le même environnement; ce changement l’a grandement aidé. Cependant, ses gardiens m’ont récemment fait part du développement d’un autre problème ; il était de plus en plus agité et nerveux lorsqu’il croisait des congénères en balade. En plus de ça, ils s’inquiétaient pour sa santé physique, car plusieurs signes laissaient penser qu’il avait des douleurs.

Au-delà des boiteries et des réactions au toucher, il n’est pas facile d’identifier la douleur sans examen vétérinaire. Néanmoins, le comportement peut nous alerter, surtout s’il y a des changements : moins actif, plus agressif, plus réactif/impulsif, recherche plus l’attention, vocalise plus fréquemment, vocalise soudainement sans déclencheur dans l’environnement, change très régulièrement de position pendant le repos, plus d’agitation ou de nervosité, met plus de temps à se lever de son couchage le matin, ne veut plus se promener ou montre moins d’entrain, perte d’appétit.

Pickles présentaient plusieurs de ces signes et un examen physique par une vétérinaire a permis de déceler une douleur au coude. Une radio a ensuite mis en évidence une tendinite et a confirmé la présence de douleur. Pendant la période de traitement antalgique, Pickles n’a pas eu de réaction problématique avec ses congénères. Ce diagnostic ainsi que le traitement nous ont permis de comprendre que la réactivité de Pickles était fortement associée à la douleur.

La douleur, une cause majeure de problèmes comportementaux ?

Le lien entre douleur et problèmes comportementaux a été évalué dans plusieurs études (deux exemples: 1-2). Dans un récent rapport de Mills et collègues, il est indiqué que de nombreux cas de troubles du comportement vus dans plusieurs grandes cliniques spécialisées étaient associés à des douleurs (3; table 1). Ces dernières étaient généralement diagnostiquées via un examen physique, une radio ou un traitement antalgique. Notons que beaucoup de ces cas impliquaient aussi des douleurs gastro-intestinales ou d’autres problèmes de santé.

La douleur peut influencer des problèmes comportementaux de plusieurs manières. Elle peut générer de l’anxiété et en conséquence, empirer des troubles émotionnels existants ou causer de nouveaux troubles émotionnels. Elle peut aussi être la cause directe d’un comportement, qu’il soit considéré comme problématique ou non. Les manifestations directes de douleur les plus couramment citées sont les comportements agressifs/défensifs, car ce sont les comportements les plus susceptibles d’être présentés à des professionnels. Ils sont souvent exprimés lorsque l’animal est approché et lorsqu’il est en position de repos.

Beaucoup d’autres comportements problématiques liés à la douleur ont été cités dans des études de cas ; destruction, comportements répétitifs, pica, léchage excessif de surfaces, animal qui observe des choses invisibles, malpropreté, agitation nocturne, peur des bruits, peur des orages. Il y a plusieurs études de cas très intéressantes dans l’article de Mills et collègues (3).

Une approche pluridisciplinaire cruciale

Cela souligne l’importance d’une approche pluridisciplinaire (vétérinaire, ostéopathe, spécialiste du comportement…). Tout comportement problématique peut potentiellement être causé par des douleurs. Et les douleurs peuvent générer des changements comportementaux. Il est donc essentiel que les vétérinaires, qui ont souvent l’occasion de voir les animaux pour les rappels de vaccins, évaluent les changements comportementaux et les considèrent comme de potentiels indicateurs de problèmes physiques. Déceler des problèmes physiques peut également prévenir le développement de problèmes comportementaux.

Le lien n’est pas toujours évident et c’est souvent lorsque les thérapies comportementales échouent qu’on pousse les examens vétérinaires. Explorer le lien entre comportement et douleur, dès l’apparition d’un problème de comportement, peut limiter le temps perdu à explorer et traiter d’autres causes – pendant que le patient est en souffrance. Même si le lien avec certains troubles de comportement n’est pas mis en évidence dans la littérature scientifique ou qu’il paraît improbable, il n’en coute rien de l’évaluer. Actuellement, on considère que les problèmes comportementaux causés par la douleur sont très certainement sous-diagnostiqués.

Si vous constatez des changements de comportement, que vous suspectiez des douleurs ou non, parlez-en à un vétérinaire ou un spécialiste du comportement canin qualifié.


 

RÉFERENCES:
(1) https://eprints.lincoln.ac.uk/id/eprint/17444/
(2) https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29487858/
(3) https://www.mdpi.com/2076-2615/10/2/318/htm

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