Nous sommes nombreux à penser que si nous étions en danger, notre chien viendrait à notre rescousse. C’est certainement lié à notre perception du chien: un être loyal, reconnaissant et protecteur. Après tout, le sentiment de sécurité qu’il nous procure a certainement contribué à nous rapprocher et maintenir le lien entre nos deux espèces.
Secourir et la capacité d’empathie
Secourir est une réponse volontaire qui bénéficie à un autre individu dans une situation dangereuse ou stressante ; c’est un comportement prosocial qui englobe des composantes motivationnelles et cognitives (ex : penser, réfléchir). Pour résumer, le chien doit pouvoir se projeter dans la peau de l’autre ; comprendre ce qu’il ressent et ce dont il a besoin. C’est ce qui caractérise l’empathie.
Savoir si les chiens (ou même d’autres animaux) sont capables d’empathie est un sujet très débattu dans la communauté scientifique. L’empathie est plus complexe que les émotions ‘basiques’ comme la peur ou la joie. Une forme basique d’empathie semble apparaître vers l’âge de 2 ans chez les enfants (lorsqu’ils commencent à bien apprendre le langage : un apprentissage complexe), mais les signes les plus évidents d’empathie ont été identifiés vers l’âge de 4 ans ou plus. Elle implique donc des capacités intellectuelles relativement complexes qu’on a longtemps pensé inexistantes chez les animaux. Depuis peu, on compare beaucoup ces capacités avec celles des enfants en bas âge, qui sont en quelques sortes des humains aux capacités cognitives primaires, probablement similaires à celles de certains animaux.
Études sur l’empathie chez le chien
Pour savoir si les chiens sont capables d’empathie, notamment envers une autre espèce, plusieurs expériences ont été menées. Par exemple, une étude (1) a montré que les chiens sont plus agités et leur stress augmente (mesure du cortisol) lorsqu’ils entendent un humain ou un chien pleurer – en comparaison aux réactions à des vocalisations qui ne sont pas émotionnellement négatives.
Dans une autre étude, les humains et leurs chiens étaient séparément engagés dans diverses activités. Les humains parlaient, chantonnaient ou faisaient semblant de pleurer. Le but était de voir si les chiens réagissaient différemment ou plus fréquemment à certaines vocalisations (neutres vs. chargées en émotions négatives). Les approches étaient plus fréquentes lorsque les humains (familiers ou non) pleuraient. Ce qui suggère que leurs approches sont motivées par l’empathie, plutôt que la curiosité (ils approcheraient aussi fréquemment l’humain face à toutes les vocalises).
Cela dit, ces résultats n’écartent pas la possibilité d’une contagion émotionnelle ; les expressions corporelles de la personne qui ressent l’émotion sont copiées par l’individu qui observe – le cerveau reçoit des informations qui déclenchent l’émotion. On sait que le chien est capable de comprendre certaines expressions faciales émotionnelles. Également possible : la présence d’un historique d’apprentissage ; le comportement d’approche de l’humain en détresse a été renforcé par une conséquence positive, comme des caresses.
Dans une étude similaire (2), les humains étaient « coincés » dans une pièce derrière une porte transparente; les chiens cherchaient le contact avec la personne quand elle chantonnait ou quand elle pleurait, mais ils accédaient à la personne bien plus rapidement dans le deuxième cas. La fréquence cardiaque était mesurée tout a long de l’exercice et les résultats sont intéressants ; certains chiens qui poussaient la porte pour accéder au gardien étaient beaucoup moins stressés que lors des mesures de base (sans stress). Il y a deux possibles explications: 1- les chiens peuvent réprimer leur propre sensation de détresse et se focaliser sur celle de leur gardien pour les « aider », 2- ils agissent par curiosité, mais pas par empathie ou pour sauver leur gardien. L’hypothèse de la curiosité n’est donc pas totalement écartée.
D’autres chiens cherchant le contact de l’humain en détresse étaient beaucoup plus stressés; les auteurs indiquent qu’ils ont probablement agi avant tout pour s’apaiser eux-mêmes. En condition de stress, il est n’est rare qu’un chien cherche une forme de réconfort auprès de son gardien. Cela dit, il y a possiblement une capacité à ressentir la détresse de l’autre – elle serait à l’origine de ce stress et motiverait l’animal à agir.
Que ferait votre chien si vous étiez en danger ?
C’est ce que des chercheurs ont cherché à savoir dans une étude récente (3).
Des personnes étaient enfermées dans une sorte de boite de la taille d’une cabine téléphonique avec une porte transparente. Les chiens pouvaient ouvrir la boite en poussant la porte. L’humain devait exprimer de la détresse, comme si il était coincé à l’intérieur. Dans un autre test, d’autres chiens étaient placés devant la cabine dans laquelle leur gardien lisait calmement. La question était de savoir si les chiens agiraient différemment selon les comportements de leurs gardiens.
Les résultats indiquent qu’environ 50% des chiens tentent d’agir quand leur gardien est dans une situation de détresse. 12% ont tenté d’ouvrir la porte quand leur gardien lisait calmement et de manière beaucoup plus lente que ceux qui viennent en aide à leur gardien en détresse. 70% des chiens auparavant entrainés à chercher et secourir des gens ont secouru leur gardien dans la situation stressante et l’ont fait bien plus rapidement que tous les autres chiens. Ce qui indique que ces comportements peuvent être influencés par un apprentissage préalable.
D’autres influences, comme la personnalité, n’ont pas été prises en compte – aucune étude n’a évalué le lien entre personnalité et comportements prosociaux des chiens à ce jour. Certains traits de personnalité (ex : l’extraversion) pourraient influencer l’expression de ces comportements ; comme c’est le cas chez les humains.
REFERENCES:
(1) https://link.springer.com/artic…/10.1007%2Fs10071-012-0510-1
(2) https://link.springer.com/article/10.1007/s10071-019-01343-5
(3) https://link.springer.com/article/10.3758/s13420-018-0332-3
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