Je vous propose aujourd’hui un petit guide métier, pour répondre aux très nombreuses questions que je reçois. Il y a un engouement pour ces deux métiers et pour cause, travailler avec les animaux fait rêver. Cependant, il faut être conscient des difficultés – ce que je vais aborder dans cet article. Ce sont pour moi des points importants dont on a pas toujours connaissance avant de se lancer dans une formation.
ÉDUCATEUR CANIN VERSUS COMPORTEMENTALISTE
Bien qu’il y ait un flou autour des deux appellations, il y a une différence importante. En suivant le modèle anglo-saxon, ce qu’on fait déjà dans ces métiers depuis leur apparition en France, éducateur canin (ou entraîneur) et comportementaliste sont des métiers différents. Le premier est un spécialiste de l’apprentissage. Il aide les gens à mettre en place des projets d’entraînement, que ce soit dans des disciplines sportives ou ce qu’on appelle couramment l’obéissance (apprendre à suivre les directives de l’humain).
Le métier de comportementaliste est plus proche de celui d’un psychologue. Il doit pouvoir intervenir sur des problèmes comportementaux complexes grâce à des connaissances théoriques poussées sur des sujets allant de la neuroscience à la génétique, en passant par la psychologie des émotions et l’éthologie. Ceci implique aussi de bien comprendre les théories de l’apprentissage; donc les comportementalistes sont (généralement) aussi des éducateurs canins. Sans ces connaissances, il est impossible de bien comprendre les problématiques auxquelles nous faisons face, ni de les traiter adéquatement. À l’étranger, les comportementalistes obtiennent ce titre en faisant des études supérieures (licence-master) et/ou via des certifications difficiles à obtenir. Cela donne une indication du niveau de connaissances qu’il faut acquérir.
En France, pour exercer légalement ces métiers, il suffit simplement d’obtenir un « certificat de capacité » (ACACED, CCAD) suite à 2 jours de formation, ce qui est une aberration. ATTENTION donc à qui on fait appel. Il est important de vérifier les formations, leur qualité et leur durée. Il faut bien plus que ce certificat pour avoir les compétences nécessaires pour bien exercer ces métiers. C’est à chaque professionnel de faire cette démarche de formation.
AIMER L’HUMAIN
On a tendance à idéaliser ces métiers parce qu’ils impliquent de travailler avec des animaux. Très honnêtement, je pense qu’il ne suffit pas ‘simplement’ d’aimer les animaux. Dans beaucoup de cas, il n’y a pas beaucoup d’interaction directe avec l’animal. Nous sommes plutôt des coachs pour les humains, qui bénéficient de notre expertise pour mieux vivre avec leur compagnon. Nous leur expliquons ce qu’il peuvent faire et comment. Il faut donc aimer l’humain AUSSI (pour ne pas dire avant tout). J’ai vu pas mal de jeunes professionnels lâcher parce qu’ils ne supportent pas de travailler avec des clients. C’est donc, à mon avis, un pré-requis essentiel.
Il est important de noter que cette relation avec le client est souvent complexe et le succès du travail collaboratif est influencé par de nombreux facteurs. Je crois le plus difficile pour les professionnels, c’est la gestion de notre frustration (à cause des échecs, du manque de motivation du client, du manque d’investissement…). Nous devons également gérer les attentes des clients, qui souvent, espèrent que nous réglerons leur problème ou que nous éduquerons leur chien très rapidement. Il faut leur faire accepter qu’il faudra certainement du temps et beaucoup de travail avant de voir des résultats – raison pour laquelle beaucoup d’entre eux abandonnent (nous vivons cela comme un échec).
BEAUCOUP D’ORGANISATION
Nous sommes pour la plupart des auto-entrepreneurs et nous travaillons seuls. Nous devons tout faire; la compta, la prise de rendez-vous, les réponses à des demandes d’information… en plus des cours et des consultations. Il faut savoir bien s’organiser. Il n’est pas rare de finir une journée de travail à 23h, parce qu’on a des e-mails en retard ou des problèmes urgents à traiter. Nous sommes très sollicités, que ce soit par des clients en suivi ou des personnes qui nous contactent pour des informations. Nous passons beaucoup de temps à répondre à chacun. C’est du ‘non-stop’, il faut le savoir.
SE FORMER EN PERMANENCE
Ces métiers sont du domaine scientifique. Plus on conduira d’études, mieux on connaîtra les animaux avec lesquels nous cohabitons. Ce qui veut dire qu’on évolue constamment sur nos connaissances et il est impératif de se mettre à jour très régulièrement. Je trouve qu’on a encore souvent une vision très simpliste (et arriérée) de la psychologie canine; cet être dont les problèmes sont systématiquement liés à sa pseudo obsession pour la meilleure place dans la hiérarchie – faut-il préciser qu’on est loin du compte?. Il est en réalité bien plus complexe que ça et nous sommes loin de parfaitement le comprendre. Il faut donc se former, continuellement. C’est chronophage, en plus d’avoir un coût financier important. Néanmoins, c’est à mon avis quelque chose qu’il faut prendre en compte avant même de se lancer. Il ne faudra pas s’arrêter à une formation de base. (Je vous parlerai des formations en France dans un prochain article.)
LA FATIGUE COMPASSIONNELLE
C’est le dernier point que je veux aborder, bien que je pourrais développer plus. Ce n’est pas le moins important, car c’est ce qui pousse de nombreux professionnels au ‘burn out’. Particulièrement les comportementalistes, qui font face à beaucoup de détresse émotionnelle.
L’expérience nous apprend à lire et comprendre le chien, ce qui nous permet d’identifier les signes de troubles émotionnels plus facilement. Voir des animaux souffrir, être apeurés, ne pas supporter la solitude au point de se blesser, être constamment sur le qui-vive ou totalement inhibés par leur détresse, c’est quelque chose auquel nous faisons fréquemment face. Parfois, nos solutions ne sont pas suffisantes, car elles sont incompatibles avec les possibilités d’action des gardiens ou avec l’environnement dans lequel vit le chien. Il peut y avoir des cas très marquants.
Malheureusement, cette détresse, on ne la perçoit pas toujours là où on l’attend. Il y a des personnes exrêmement bienveillantes et bien intentionnées qui vivent avec des animaux en grande souffrance. Il arrive même parfois que ces personnes ne le perçoivent pas. Leur expliquer que leur chien ne va pas bien n’est pas une tâche facile. La détresse vient aussi très souvent de l’humain, qui est très fortement impacté par les problèmes qu’il rencontre. Cette charge mentale peut être pesante.
QUELS SERONT VOS ATOUTS?
On peut ajouter que les compétences suivantes seront des atouts de taille:
– Le sens du service
– Un bon esprit d’analyse
– Un excellent sens de l’observation
– Des notions de psychologie humaine
– Être bon pédagogue
– Être bon communiquant (écrit et oral)
– User de diplomatie
– Des notions de marketing
– Pouvoir vulgariser le jargon scientifique
– Une bonne résilience face au stress
– De la patience
– De l’expérience avec les animaux
Je pourrais développer plusieurs autres points, mais je m’en tiens aujourd’hui à ce que je considère comme le plus important. Je vous ai parlé des difficultés, mais il est important de noter qu’il y a aussi beaucoup de positif. C’est un métier qui est aussi très enrichissant et valorisant, ce qui permet de balancer ces difficultés.
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