LE CONTRE-CONDITIONNEMENT, EFFICACE MAIS COMPLEXE


Actualités scientifiques, réflexions, idées, Thérapies / mardi, octobre 9th, 2018

Certains animaux ont du mal à gérer la présence de certains stimuli dans leur environnement. Ce problème se traduit par des comportements gênants et l’apparition de peurs, d’agressivité, voir de phobies. Le contre-conditionnement (CC) est une technique de modification comportementale très utilisée pour ce type de problèmes. On l’applique généralement avec de la désensibilisation systématique (DS). Bien que ces méthodes soient très efficaces, il y a beaucoup de facteurs qui peuvent conduire à l’échec. Les connaître peut aider à mieux les gérer.


Le contre-conditionnement

Le contre-conditionnement c’est inverser l’effet d’un conditionnement existant, généralement pour réduire une détresse émotionnelle. On déclenche des réactions émotionnelles et comportementales différentes face à un déclencheur – c’est le contre-conditionnement. 

Voici un exemple:

  1. Votre chien a peur de votre ouvre boite electrique,
  2. Vous allez maintenant ouvrir les boites contenant de la pâtée très appétissante avec cet objet, 
  3. Au bout de quelques jours, votre chien va associer le bruit de l’ouvre boite électrique avec cette délicieuse pâtée. 
  4. Après plusieurs répétitions, il suffira seulement d’allumer l’ouvre boite électrique, pour que votre chien accoure joyeusement ! Ce qui générait de la peur, est maintenant perçu comme un signal très positif (indiquant que sa merveilleuse nourriture va être servie).


La gestion des émotions

Bien comprendre les émotions est important pour pouvoir aider nos animaux à se relaxer dans des contextes qui normalement génèrent des problèmes. Ces émotions initient des réactions physiologiques et stimulent des comportements. Ces comportements peuvent se présenter sous diverses formes incluant l’agression et la fuite. 

  • La peur, est une émotion normale qui permet aux animaux (humains aussi) de réagir face à un danger (réel ou perçu). Elle stimule des comportements comme la fuite, le combat ou l’immobilisme, qui augmentent les chances de survie. Or, certains animaux domestiques ont des réactions de peurs qui ne sont pas appropriées et qui deviennent problématiques. 
  • L’anxiété, n’est pas adaptative comme la peur et elle n’est pas forcément le résultat d’un apprentissage. La ligne est souvent fine entre l’anxiété et la peur. Ce qui fait la différence, c’est que l’anxiété n’est pas une réponse à une stimulation, mais plutôt à l’anticipation d’un évènement effrayant sans qu’il n’y ait de signaux indiquant que cet évènement va se produire.
  • La frustration, est une émotion ressentie par un animal quand il n’est pas satisfait des conséquences d’un évènement, d’un comportement, d’une rencontre sociale… etc. Par exemple, être attaché à une laisse peut être une grande source de frustration.
  • La phobie, n’est jamais une émotion normale ou adaptative. La peur prend des proportions qui dépassent des niveaux auxquels elle peut encore redescendre rapidement. L’animal perd ses capacités de gestion et de contrôle. La phobie se généralise très vite à d’autres déclencheurs similaires à celui qui a initialisé la réaction, ce qui rend des comportements phobiques très difficiles à traiter.

Les potentiels problèmes

Le ‘timing’

Comme dans beaucoup de procédures de modification comportementale, le « timing » est très important. Si on ne récompense pas un comportement au bon moment, on risque de renforcer un autre comportement. En contre-conditionnant, ce qui est important c’est de donner la récompense avant qu’une mauvaise réaction apparaisse. De plus, il faut être sûr qu’une association récompense-présence du déclencheur soit faite.


La désensibilisation systématique

La désensibilisation systématique (DS) va généralement de pair avec le CC. Elle permet de travailler dans la zone de confort de l’animal. Si un chien a peur des hommes à chapeau, mais qu’il n’a pas de réaction à une distance de 50 mètres, nous feront le CC à cette distance. Petit à petit, nous réduirons cette distance pour que finalement le chien puisse être proche d’un homme à chapeau sans avoir de réaction.  Si on ne respecte pas cette zone de confort ou si on va trop vite, le CC sera inéfficace, ou pire, il aggravera le problème. Cette tâche est généralement très difficile lorsqu’on travaille avec des animaux phobiques, car leur seuil de tolérance est très bas. Il est conseillé de bien organiser ces séances, en maitrisant les approches du déclencheur. 


Le comportement de l’animal

Il est important d’observer son comportement et sa durée d’engagement (combien de temps passe t’il à regarder l’homme à chapeau). Les gardiens de l’animal devraient avoir une bonne connaissance des signaux indiquant une détresse émotionnelle (stress, peur, anxiété…). Si on ne reconnaît pas les signes de peur, on risque d’aggraver la situation en maintenant le chien dans un état de détresse. Le but étant de toujours travailler dans une zone de confort. Les personnes doivent aussi observer l’engagement de l’animal. S’il ne se désengage pas du déclencheur en quelques secondes (s’il continue à le fixer du regard), il n’est déjà plus dans sa zone de confort.

 

La généralisation

On peut avoir des résultats rapides dans un environnement, mais cela ne veut pas forcément dire que le chien n’aura pas de réactions dans un autre contexte. Malheureusement, beaucoup de chiens ont du mal à généraliser l’effet du CC. Travailler dans plusieurs contextes, en reprenant à zéro à chaque nouveau contexte, est essentiel. C’est un long processus et malheureusement, beaucoup de gens abandonnent alors qu’ils pourraient avoir de bons résultats en travaillant.

 

Les autres stimuli présents

Lorsqu’on fait du CC, on veut que l’animal concerné associe ce qui le fait normalement réagir avec quelque chose d’hyper plaisant. Par exemple, on veut qu’à chaque fois qu’il apperçoive un chien, il s’attende à ce qu’on lance sa balle ou qu’on lui donne une friandise. Ce n’est pas toujours si simple. Dans l’environnement dans lequel on travaille, il y a généralement beaucoup d’autres choses. Dans le parc, il y a des marcheurs, des oiseaux, du vent, des odeurs… Le chien peut très bien décider d’associer ce qui est plaisant avec l’une de ces choses-là. Il est important de bien observer son chien et de confirmer qu’il a bien aperçu le déclencheur.

 

Les facteurs de stress

Il est important d’éliminer tous les facteurs de stress lorsqu’on fait du CC. Par exemple, beaucoup font du CC en promenade avec un chien attaché à une laisse constamment tendue. La laisse cause beaucoup de frustration, car elle ne permet pas au chien de gérer sa zone de confort. J’aime beaucoup ce que propose la méthode BAT 2.0 de Grisha Stewart, qui applique les procédures de DS et CC avec des chiens en longe. Le CC est effectué en donnant au chien la possibilité d’explorer son environnement et de prendre des décisions. En plus, le travail en longe nous rend plus vigilent pour le maintien de la distance avec le déclencheur. 

 

Les critiques

A mon grand étonnement, il y a de plus en plus de professionnels qui émettent des critiques. Les plus courantes sont : « on devient un distributeur de croquettes », « on renforce la peur », « récompenser un chien pour regarder ce qui lui fait peur est dangereux »… etc.

  • Si votre chien préfère focaliser son attention sur le « distributeur de croquettes », plutôt que d’agresser quelqu’un, c’est tout de même une bonne chose. On améliore le bien-être de tout le monde en attendant de travailler sur la résolution définitive du problème…
    Pour la plupart des chiens, manger procure énormément de plaisir. Tout comme jouer, se faire caresser et explorer (ce qu’on peut également proposer au chien).
  • Utiliser ce qu’un chien aime pour l’aider à surmonter sa détresse ne devrait jamais être mal perçu. Et pour ceux qui pensent que le chien est seulement interessé par la croquette, rien ne les empêche de travailler leur relation avec le chien le reste du temps.
  • Les autres critiques citées sont révélatrices d’une mauvaise compréhension et des facteurs qui doivent être pris en compte pour réussir le CC. On ne renforce pas la peur et ce n’est pas dangereux car la DS nous permet de travailler dans la zone de confort du chien (sans peur). Même lorsqu’on fait du contre-conditionnement pour des peurs des orages, on commence à travailler avec des sons très bas, pendant quelques secondes, pour ne pas générer de réaction.


Sources:

James O’Heare, 2014. The Science and Technology of Dog Training. Livre (anglais)
Claire Hargrave, 2015. Desensitisation and counter-conditioning – not task for the enthusiastic amateur ! Article paru dans « The Veterinary Nurse » Vol.6 (Anglais)
Karen Overall, 2002. Noise phobias in dogs. Dans: BSAVA Manual of Canine and Feline behavioural Medicine. Livre (Anglais).