LE CHIEN QUI FAIT DES CHOIX (2/3)


Actualités scientifiques, réflexions, idées, Enrichissement / mercredi, avril 21st, 2021

Les moteurs du choix: motivation et préférences

La motivation est un moteur du choix et nous verrons que la saillance des différents options/stimuli est de grande importance. La motivation peut être intrinsèque (ex: un besoin physiologique) ou extrinsèque (ex: liée à l’environnement). Par exemple, la motivation pour boire peut être influencée par des changements dans la balance hydrique du corps ou par la vue de l’eau. Une motivation peut être plus ou moins forte, selon les individus, le moment, l’humeur et une longue liste d’autres facteurs.

Les préférences sont basées sur l’évaluation de différentes options pouvant satisfaire une motivation. Par exemple, chez moi, il y a une gamelle d’eau dans chaque pièce ; gamelles en plastique, en métal, en céramique… Mais pour mes chiens, rien de mieux que la vieille gamelle en fer de l’extérieur qui se remplit d’eau de pluie. La préférence est évidente; elle est une composante importante du choix.
Les comportements de nos animaux expriment ou communiquent le choix ; ils sont les conséquences de leurs préférences et leurs décisions.

Choix libre ou choix forcé ?

Choisir implique d’évaluer des options/stimuli qu’on peut identifier, qui sont disponibles et efficaces, pour répondre à une motivation. Ce qui veut dire qu’on peut percevoir une seule option, même si d’autres stimuli sont présents dans l’environnement ; ceux-ci ne seraient pas efficaces pour répondre à notre besoin. On pourrait également imaginer des alternatives, mais il n’y a pas de choix possible si ces options ne sont pas disponibles, accessibles ou réalisables. S’il n’y a qu’une option disponible et efficace, pour répondre à une motivation, il n’y a pas de choix possible.

Ce qui veut dire que pour faire un choix il faut:
🔹 Identifier les options/stimuli qui répondent au besoin en question.
🔹 Il doit y avoir au moins deux options disponibles, accessibles ou réalisables.
🔹 Ces options sont des renforçateurs; elles sont efficaces pour satisfaire le besoin, le comportement.

Vous suivez toujours? Je vais l’illustrer avec un exemple…

J’ai très envie de manger de la salade. Dans mon frigo, je n’ai que de la laitue batavia. Pour qu’un choix soit possible, il faudrait que je puisse au moins choisir entre deux variétés qui me plaisent. ‘Choisir’ entre : une seule variété (que je l’apprécie ou non) et ne pas manger de salade, c’est un choix forcé. Cela équivaut à ‘faire des choix’ comme : 50€ ou rien, une claque ou un coup de poing… Techniquement, il n’y a pas de possibilité de faire un choix libre.

Il est donc important de distinguer ces choix, que les scientifiques proposent de qualifier de « choix libres » (impliquant au moins deux renforçateurs pour la même motivation) et « choix forcés » (impliquant un seul ou aucun renforçateur pour la même motivation).

On peut imaginer tout un tas de situations pour lesquelles on pense que le chien a le choix, alors que c’est un choix forcé. Par exemple, on me dit souvent : « Mon chien aime dormir dans sa cage, il fait le choix d’y aller », mais dans beaucoup de cas, il n’y a pas d’autre renforçateur disponible. En conséquence, le chien ‘choisit’ le confort de sa cage parce que le reste ne répond pas à son besoin de confort. Il aurait accès au canapé, au lit, à des couchages confortables placés à divers endroits ; il aurait un choix libre et l’exprimerait différemment en fonction de ses motivations.
D’ailleurs, vous étiez nombreux à commenter que votre chien dispose de plein de couchages et vous aviez raison, il y a un vrai choix – si les couchages lui plaisent et répondent à ses motivations.

S’il n’y a qu’un seul renforçateur ou s’il n’y pas de renforçateur du tout, il n’y a pas de choix, quelles que soient les options disponibles. Le problème qui se pose avec les animaux, c’est que la perception du renforçateur est subjective. Ce que vous pensez être appétant ou agréable pour votre chien ne l’est peut-être pas réellement. Dans ce cas de figure, il serait utile d’évaluer ses préférences (section suivante).

La préférence

La préférence est caractérisée par la saillance, l’appétence et l’efficacité d’un renforçateur pour un individu. Il est donc important de savoir comment identifier les préférences de nos animaux afin de leurs proposer plus de choix libres.

Un animal qui choisit spontanément d’interagir avec un objet, une personne, de la nourriture… indique qu’il y a une motivation. Observer les comportements d’approche/fuite d’un animal est souvent considéré comme l’indicateur de base de ses préférences.


Est-ce suffisant ?

Non. Ce n’est certainement pas un indicateur fiable, si on ne prend pas en compte d’autres facteurs. De nombreuses études sur les mécanismes du choix, chez l’humain ou l’animal, indiquent ce qu’il faut prendre en compte pour identifier une préférence :

🔹 Le nombre d’approches/interactions. Il faut répéter les mises en contact, dans différents contextes, afin d’analyser un maximum de réponses. Une seule exposition n’est pas suffisante.

🔹 La fréquence d’approche/interaction et sa durée. Le plus l’animal interagit avec le stimulus, le plus il est susceptible de le trouver efficace.

🔹 Les comportements associés à un état émotionnel positif. Observer le comportement du chien nous donne évidemment une idée de sa motivation et de sa satisfaction. Attention tout de même, cela ne s’improvise pas. Pour preuve, beaucoup de gens pensent encore qu’un battement de queue est uniquement un signe de joie, alors que le chien peut remuer la queue dans des situations ‘négatives’.

🔹 Le nombre de stimuli et leur variété, présentés séparément ou en même temps. La préférence est mesurée via le nombre d’interactions que l’animal choisi d’avoir avec un stimulus, par rapport aux autres.

🔹 Les autres renforçateurs présents, qu’ils concernent le même comportement (ou la motivation) ou un autre. Ce n’est pas parce qu’un animal n’interagit pas avec un stimulus, qu’il ne le trouve pas appétant. Il se peut qu’à ce moment-là il décide simplement de faire autre chose – il a une autre motivation. C’est pour cela que plusieurs présentations dans différents contextes et en contrôlant les stimuli présents, nous permettent de mieux évaluer sa préférence.

🔹 L’historique de renforcement et la familiarité. Le stimulus présenté n’est peut-être pas intéressant car l’individu n’a pas eu la possibilité de « tester » son efficacité. Il n’a peut-être pas été familiarisé avec des stimuli du même type. Prendre en compte l’historique de renforcement et le degré de familiarité est important quand on présente un nouveau stimulus à un chien, particulièrement s’il est craintif: les chiens craintifs ont tendance à éviter la nouveauté – l’évitement est une réponse plus ‘automatique’ que l’approche.

🔹 Attention aux choix forcés. Ca vous paraît maintenant évident, mais j’insiste sur ce point ; un animal peut choisir d’interagir avec un stimulus, parce qu’il n’a rien d’autre à faire. Cela ne veut pas dire qu’il le trouve efficace.

Vous voyez, les préférences peuvent être assez difficiles à identifier. Et encore, je n’ai pas mentionné tous les facteurs à prendre en compte. Je pourrais d’ailleurs développer sur beaucoup de points. Notamment, sur les facteurs individuels comme l’état émotionnel, l’humeur, la santé, l’âge et les besoins. Notez également qu’une préférence à un moment ne le sera peut-être pas à un autre moment de la vie du chien, ou dans un autre contexte.

On parle aussi souvent de mesurer la préférence d’avoir le choix; est-ce une bonne chose? Des études ont montrées qu’avoir « trop » de choix peut être problématique, puisque cela impacterait la maîtrise de soi (caractérisée par la concentration et la persistance, entre autres). À développer dans un autre article…

Je pense que la fréquence est certainement le critère le plus important et le plus facile à évaluer. Répétez les interactions et les présentations qui semblent plaire à vos animaux, comparez-les à d’autres, et faites vos propres « analyses statistiques » 😉

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