LA HIERARCHIE ET LA DOMINANCE


Éthologie canine, Relation homme-animal / jeudi, avril 15th, 2021

Avec le nombre d’articles, de vidéos et de professionnels qui en parlent, je pensais que nous entendrions de moins en moins parler de ces concepts, et surtout, des méthodes d’éducation qui y sont associées. Malheureusement, je me suis trompée. On me parle encore régulièrement de dominance et de hiérarchie : « nous avons lu qu’il fallait que le chien comprenne que nous sommes au-dessus de lui dans la meute », « l’éducateur nous a expliqué qu’il fallait se comporter comme des dominants avec lui », « mon chien est un dominant ». Il semble donc nécessaire de continuer à expliquer, encore et encore, que ces croyances populaires sont basées sur une théorie désuète.

Je ne vais pas reprendre toutes les explications autour de cette théorie et des connaissances actuelles, car il y a déjà de nombreux d’articles qui traitent ce sujet. J’en ajoute un en bas de l’article si vous souhaitez compléter cette lecture. Je vais surtout questionner ces concepts et leur potentiel rôle dans l’analyse fonctionnelle des comportements canins. Un sujet qui fâche, mais qu’il est encore nécessaire de traiter.

Qui est le chef ?

La théorie de la dominance fait référence à la présence d’une hiérarchie linéaire dans un groupe de chiens, qui suscite des comportements agressifs dans le but de déterminer la priorité d’accès aux ressources (nourriture, abri, reproduction…). Cette théorie veut que certains chiens cherchent continuellement à être les « dominants » du groupe dans lequel ils vivent.

En vue d’éviter d’avoir un chien agressif ou pour prévenir/résoudre des problèmes comportementaux, il est préconisé de lui montrer qu’on est le « chef de meute ». Ces méthodes impliquent généralement des démonstrations de force, de restreindre les choix du chien et de strictement contrôler son accès aux ressources. En gros, de le soumettre à nos choix !

Ces méthodes posent un problème important: elles prennent pour référence le système social d’une autre espèce (le loup), selon une théorie aujourd’hui erronée, pour l’appliquer aux interactions entre le chien et l’humain.

De plus, le mot « dominant » est très souvent associé à des idées reçues et interprétations erronées des comportements canins. Par exemple, on dit que si le chien monte sur le canapé, c’est qu’il cherche à gagner la place du chef. Les comportements du chien sont presque uniquement interprétés à travers cette notion de hiérarchie sociale, alors qu’ils peuvent avoir bien d’autres causes et fonctions.

Le mot « dominant » ne décrit pas de manière explicite les comportements du chien. Ce qui ne nous permet pas de les analyser pour comprendre les motivations de l’animal, qui pourraient être tout autres qu’un besoin de dominer. C’est une vision très simpliste du chien, qui déconsidère la complexité de sa psychologie.

S’il y a une hiérarchie, elle est intra-spécifique, contextuelle et temporaire

Le système social du chien a été étudié via l’observation de chiens dans leurs différents contextes de vie. Chez les chiens des rues et chiens féraux (sauvages), qui sont peu restreints par l’homme, on observe qu’il y a peu de groupes fixes; les chiens s’associent temporairement, en fonction de leurs besoins. On peut déjà considérer qu’une hiérarchie dans des groupes qui se font et se défont serait très difficile à déterminer par les individus concernés.

Et s’il y a une forme de hiérarchie (ce n’est qu’une hypothèse), on peut pour l’instant supposer qu’elle est temporaire et contextuelle. Elle serait surtout déterminée par l’expérience des individus, ainsi que leur corpulence et leur âge. Les jeunes montreront beaucoup plus de comportements soumis face à des adultes, que face à des chiens du même âge qu’eux.

Les conflits observés sont principalement liés à un stress autour des ressources, dans un environnement hostile ou à forte promiscuité. Sans ces contraintes, on note peu d’agressivité et de comportements soumis – contrairement à ce que l’on observe chez des espèces dont le système social est déterminé par une hiérarchie linéaire fixe.

Les conflits autour des ressources peuvent faire apparaître certaines caractéristiques comportementales donnant l’impression que l’animal cherche à prendre le dessus sur l’autre. Un chien peut effectivement « gagner » un conflit contre un individu dans une situation particulière, mais ce ne sera peut-être pas le cas dans une autre situation ou face à un autre individu. Les rôles peuvent donc s’inter-changer en fonction des motivations et des contextes.

Vous n’avez pas besoin de dominer votre chien

Si le système social canin n’est pas déterminé par une hiérarchie linéaire (au vu des connaissances actuelles) ; il est encore plus improbable qu’elle existe entre le chien et l’humain. Les méthodes d’éducation visant à restreindre l’accès aux ressources et à causer des conflits par des démonstrations de force, peuvent générer du stress et potentiellement, des réponses agressives. Elles ne sont pas cohérentes pour les chiens, qui ne comprennent pas la fonction de ces interactions. L’humain qui force un individu à se soumettre, alors que ce dernier n’a aucune intention d’entrer en conflit, devient une menace, pouvant causer de l’anxiété et un mal-être généralisés.

Les personnes qui appliquent des théories erronées comme celle-ci, font preuve d’ignorance. Cette ignorance est même volontaire chez certains ‘professionnels’, qui ne mettent pas leurs connaissances à jour (qu’on enrichi pourtant continuellement). Cela démontre qu’ils connaissent mal les animaux avec lesquels ils travaillent en tant qu’experts. Ils freinent l’amélioration des relations homme-chien en propageant leurs théories désuètes et simplistes.

Considérer le chien sous l’angle de la domination, est un déni de connaissance de l’éthologie de l’espèce et surtout, des nombreuses motivations et causes pouvant expliquer un comportement.

Alors… apprenons, formons-nous, cherchons à comprendre. Pour mieux vivre avec nos meilleurs amis, il est vital de connaître leur vraie nature.


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